La baleine échouée de Boscombe

29 janvier 2011

J’en ai de la chance ! A 10 minutes de la maison, au large de la plage la plus proche, a été construit le tout premier reef artificiel de l’hémisphère nord, sensé soulever une vague surfable à volonté. Sauf qu’il ne fonctionne pas. Bof, finalement, je n’ai pas tant de chance que ça.

La drôle de vague du reef artificiel de Boscombe dans un de ses meilleurs jours.

Il y a quelque chose de rassurant dans cette histoire : le gaspillage de l’argent public n’est pas l’apanage de la France et de son administration “usine à gaz“.

Depuis novembre 2009, la plage de Boscombe (banlieue de Bournemouth) s’enorgueilli de la création, à grands frais, d’un reef artificiel qui doit soulever une vague propice à la pratique du surf. La chose a fait grand bruit puisque c’est le tout premier équipement du genre dans l’hémisphère nord et que cette vague doit attirer à Bournemouth un large public de surfeurs et de spectateurs amateurs de ce sport.

Conjuguons cependant tous ces verbes à l’imparfait, dans tous les sens du terme, puisque de foules surfeuses il n’y a pas plus que de vague surfable. Le surf reef artificiel de Bournemouth-Boscombe ne fonctionne pas et les promoteurs de cette supercherie coûteuse font profil bas face au monde du surf et au milieu touristique auxquels ils ont tant promis.

Ce récif (reef) artificiel grand comme un terrain de foot, composé de 55 boudins géants en géo-textile remplis de sable posés au fond de l’eau a coûté la bagatelle de trois millions de livres sterling, 1,3 million de plus que prévu. Il a de plus été livré avec 12 mois de retard.

Vague à surf et vague de polémique

Le reef artificiel de Boscombe qui, parfois à marée basse, laisse affleurer ses boudins, est aujourd’hui requalifié en “baleine échouée“, en “reposoir à mouettes“ ou en “prédateur d’ailerons“.

Quand les conditions sont optimales le reef ne soulève qu’une vague à peine surfable qui lève très rapidement et casse tout aussi vite. Autre cas de figure, il ne fait qu’amplifier la houle et ne créé pas de vague.

Conséquence, les surfeurs surfent partout sur le spot de Boscombe, de préférence de part et d’autre du pier où les vagues ne sont pas si mauvaises que ça… mais pas sur le reef sensé leur offrir les meilleures conditions. Même les écoles de surf ne s’y aventurent pas.

La déception est grande chez les surfeurs, mais aussi chez les professionnels du tourisme qui voyait dans les promesses du reef de quoi mettre un peu de beurre dans leurs épinards. Les hôtels du front de mer affirment que depuis l’ouverture du reef ils n’ont enregistré aucune réservation d’éventuels surfeurs venus déchirer la vague fantôme. Quand à la municipalité, elle avait inclus cet équipement dans le grand plan de rénovation et de restauration de l’image de Boscombe qui a été un quartier très huppé jusqu’au milieu du XX^e siècle avant de devenir banlieue craignos.

L’affaire est évidemment devenue très politique au sein du conseil municipal de Bournemouth et la polémique va bien au-delà du gaspillage de l’argent public. C’est devenu une affaire de réputation et d’honneur qu’il faudra sauver.

Comment ? On ne sait pas encore, mais on cherche. L'Université de Plymouth a été investie de la mission, on attend ses conclusions pour rendre au reef de Boscombe sa vraie vocation de créateur de vagues et non pas de vagues de polémiques.