And the winner is…

Quelle actu a, selon vous, mobilisé les unes des tabloïds britanniques, ces deux dernières semaines ? La récession, le chômage, la nouvelle révolution française ? Rien de tout ça, la vérité est ailleurs…

Un événement de la plus haute importance, ici au Royaume-Unis, a partagé les gros titres avec le probable départ de l’équipe de Manchester du footballeur Wayne Ronney. L’événement : mais qui est donc cet Anglais qui a gagné le jackpot record de 113 millions de livres sterling (à la louche : 130 millions d’euros) de l’EuroMillions du vendredi 8 octobre 2010.

Car cette personne, qui entre de plain-pied dans la très enviée et très respectée Rich list du Sunday Times, ne s’est pas encore fait connaître du grand public. A partir de là, toutes les spéculations, tous les scénarios ont été imaginés par ces tabloïds qui flirtent en permanence avec un populisme du plus mauvais goût.

En Angleterre, tout ce qui touche à l’argent est sacralisé, porté en étendard. Un gagnant de l’EuroMillions, d’une cagnotte record de surcroît, qui ne se fait pas connaître, ce n’est pas correct. It’s not fair. Les Anglais le supportent d’autant moins qu’il y a récidive. En mai dernier, un britannique qui lui aussi a gardé l’anonymat, a raflé les £ 84 m (près de 95 millions d’€) de la National Lottery (l’équivalent de notre Loto).

Et puis, l’homme de la rue s’est inquiété pour ce gagnant qui n’était peut-être pas au courant de sa bonne fortune et qui, depuis le 8 octobre, perdait chaque jour 8 500 livres d’intérêts, soit 118 fois le salaire quotidien moyen britannique. Aucune jalousie par rapport à ça. Non, le Britannique admire et respecte le riche et il est juste dommage, pour lui ou elle, de ne pas ajouter ces £ 8 500 quotidiens à sa fortune déjà conséquente.

L’infortune de la retraitée de Coventry

Toute la presse britannique dans son ensemble s’est déchainée sur l’événement, tabloïds en tête, et à lancé l’enquête pour retrouver le gagnant et le lieu où il a validé sa grille. Une véritable chasse à l'homme.

Le zoom a d’abord été mis sur le nord-est du pays, quand un habitant de Suderland a affiché sur sa page Facebook qu’il était le gagnant du jackpot. Une info qui a vite fait flop.

Puis, les médias ont tourné leurs plumes et leurs projecteurs sur la ville de Coventry, dans les West Midlands, où une retraitée a fait savoir qu’elle était la gagnante des 113 millions. Malheureusement, son mari aurait jeté le bulletin gagnant. Pas de bol !

Camelot, la société qui gère l’EuroMillions en Grande Bretagne, aurait été contactée par plus de 1 000 gagnants potentiels, mais tous déplorant avoir perdu leur ticket. Si la retraitée de Coventry a longtemps tenu la corde médiatique c’est que, persuadée de sa fortune et de son infortune, elle l’a largement fait savoir dans la presse… qui ne demandait que ça. Faute de mieux, les journaux se sont contentés du feuilleton des lamentations de la vieille dame de 70 ans qui a fait l’étalage de tous les défauts de son mari auquel elle confiait jusqu’à présent ses grilles validées de la National Lottery, de l’EuroMillions et du Thunderball. Dans le dernier épisode, elle déclarait qu’elle n’en voulait finalement pas à celui qu’elle a épousé voici 50 ans. Ouf, le pays est soulagé !

Des intérêts pas perdus pour tout le monde

Pendant que la presse cherchait et spéculait, une autre réalité se dessinait. Le gagnant (ou la gagnante) s’est finalement fait connaître 10 jours après le tirage. Le temps de procéder aux vérifications d’usage et de prouver la validité du ticket gagnant, monsieur ou madame X a vu son compte crédité de £ 113 m, mercredi 20 octobre 2010, accédant ainsi au 589^e rang de la Sunday Times Rich List 2010, devant les gloires people nationales que sont Rod Stewart, David Bowie et Phil Collins.

Durant ces 10 jours de silence, l’heureux gagnant à “perdu“ 85 000 livres d’intérêts (soit trois ans de salaire moyen britannique), qui ont en revanche fait le bonheur de Camelot qui avait placé les £ 113 m sur un compte spécial en attendant des nouvelles du gagnant. Les britanniques sont rassurés, les 85 000 livres ne sont pas perdues, ce qui leur aurait été insupportable.

Le Sun, tabloïd n° 1 dans le pays, déplore l’anonymat du gagnant et aimerait bien être celui qui, le premier, dévoilera son identité. Pour cela, il lance un appel à la délation, très populaire de ce côté de la Manche. « Do you know the winner ? If so call the newsdesk at… » (Vous connaissez le gagnant ? Alors appelez la rédaction) peut-on lire dans l’édition de ce matin. Le Sun complète son article en dressant une courte liste de ce que l‘on peut acheter avec 113 millions de livres. Entre autres : 10 Ferrari 250 GT, 2 Boeing 737, le club de foot de Liverpool ou… payer 0,1 % de la dette nationale.

Malgré l’anonymat encore total du gagnant, la ville de Conventry a toujours la préférence de la presse. Pour se donner du grain à moudre, les journalistes sont allés enquêter auprès des concessionnaires automobiles de luxe, vu que c’est la dépense première des gagnants de loteries.

Un premier a dit que non, il n’avait pas enregistré de nouveau client ces derniers jours. Pas plus de succès à la concession Ferrari de Birmingham dont le manager a déclaré : « S’il (le gagnant) est du secteur, il est le bienvenu chez nous et il peut acheter tout le stock s’il le veut. »

Camelot a annoncé qu’elle lèverait le voile, vendredi 22 octobre, sur la ville où la grille a été validée. Mais ne donnera pas le nom du gagnant. Toute la Grande Bretagne est à l'affut de cette info majeure.