L’Angleterre, un modèle pour la France ?
Surveillance de leur quartier par les habitants eux-mêmes, uniforme à l’école, possibilité pour les locataires d’HLM d’acquérir leur logement à un prix préférentiel, toutes ces mesures british d’hier font les idées fumeuses du gouvernement français d’aujourd’hui.
Ce n’est pas parce qu’on est ennemis intimes et historiques qu’on n’a pas le droit de se piquer des idées et se copier.
Ni Claude Guéant, ni François Fillon ne se vantent de regarder ce qui se fait Outre Manche et pourtant certains projets récemment annoncés par l’UMP ont un fort accent anglais.
Dans une circulaire du 22 juin 2011, Claude Guéant exposait aux préfets de la République sa décision d’impliquer les citoyens dans la surveillance de leur quartier, de leur lotissement, de leur village. Par ce dispositif baptisé “Voisins vigilants“, évoquant une “solidarité de voisinage“, le ministre de l’intérieur entendait mettre en échec une certaine délinquance. Sur la base du volontariat, les candidats “voisins vigilants“ étaient invités à se faire connaître des services de police et accomplir leur tâche de “solidarité de voisinage“ en surveillant les alentours, en signalant les comportements et les événements suspects et en dénonçant tous faits anormaux (véhicules semblant en repérage, dégradations, incivilités...)
Même si le ministre s’en défend, cette idée fumeuse n’est rien qu’un grotesque copié/collé du Neighbourhood Watch britannique et américain, à la différence que dans ces deux pays de pétochards sécuritaires chroniques la chose est entrée dans les mœurs et ne choque personne. En France, elle a tourné en eau de boudin avant même son entrée en application. La crainte de revoir surgir les milices de quartier a peut-être eu la peau de cette riche idée qui avait du mal à masquer l’impuissance de la police en sous effectifs à défendre les biens des bons citoyens besogneux.
Le retour de l’uniforme ?
Mi novembre, c’est au tour du Premier ministre, François Fillon, de piocher dans la société britannique pour nous annoncer qu’il « se réjoui » de la mise en place de l'expérimentation du port de l'uniforme à l’école. Bon, ce n’est pas lui qui a pondu cette mesure annoncée comme « un des éléments forts de l'intégration républicaine », le « signe qu'à l'école il n'y a pas de différence de classe sociale ». On la doit à sa famille politique et aux "15 propositions de l'UMP sur le pacte républicain et la nation" pour l'élaboration du programme du futur candidat à la présidentielle. Avec cette mesure prioritaire, l’UMP entend « gommer les inégalités sociales » et instaurer « un esprit de cohésion et d'appartenance commune à un établissement ». Drôle de manip’ qui consiste à habiller les élèves quand le Gouvernement s’ingénie à déshabiller les effectifs des profs. Et allez annoncer aux parents qu’il va désormais falloir se fendre de l’achat d’un (ou deux) uniformes en plus des fournitures scolaires. Espérons que le Gouvernement ne confiera pas le design de cet uniforme à Jean-Paul Gauthier. Quoi que…
Il est vrai qu’en Angleterre, l’uniforme est une tradition que même les élèves les plus rock’n roll ne contestent guère. Tout juste s’ingénient-ils à le personnaliser… pour marquer un soupçon d’identité que leurs fringues uniformes sont sensées faire oublier. Le col du blazer relevé, un pan de chemise qui dépasse du pantalon, la jupe remontée sous les bras pour mieux faire apparaître les cuisses et hop, le tour est joué.
Et puis, il y a l’alternative proposée par les écoles Steiner. Pas d’uniforme, mais l’interdiction d’afficher des marques, des logos, des messages sur ses vêtements. Simple, mais terriblement efficace. C’est peut-être ce que souhaite finalement Camille Bedin, secrétaire nationale de l’UMP en charge de l'égalité des chances quand elle déclare que « sans aller jusqu'au retour de l'uniforme, qui pourrait paraître désuet, établir un code vestimentaire n'est pas une mesure d'ordre simplement symbolique ». Uniforme ou simple code vestimentaire, les deux sentent quand même fortement le bacon et la marmelade. Imagination quand tu nous tient…
Rendons à Maggie…
Troisième idée empruntée à la perfide Albion : la création d’un “droit à l’achat“ pour les locataires de logements sociaux. En gros et toujours dans le cadre de l’élaboration du programme de son poulain candidat à la présidentielle, l’UMP propose qu’au bout de 5 à 10 ans, les locataires sociaux puisse acheter leur logement avec une décote allant jusqu’à 35 % du prix du marché et une majoration de 5 % du montant du prêt à taux zéro accordé. Une idée qui ne réjoui cependant pas la Fondation Abbé-Pierre. Christophe Robert, son délégué général adjoint, met les pieds dans le plat en déclarant : « Attention à ne pas vendre les bijoux de famille. Le logement social ainsi vendu ne sera plus à disposition de la collectivité. » Déjà que le pays manque cruellement de logements sociaux…
Ce concept innovant annoncée par Marc-Philippe Daubresse, secrétaire général adjoint de l'UMP, n’est en réalité que le recyclage d’une mesure prise en 2002 par Gilles de Robien, en charge des politiques du logement dans le premier gouvernement Raffarin. C’est aussi une manière de revenir à la charge sur un thème majeur du candidat Sarkozy dans la campagne présidentielle de 2007 : “la France de propriétaires“. Un thème qui a fait un gros plouf puisque le taux de 70 % de Français propriétaires de leur logement, souhaités et annoncé par le candidat, ne plafonne aujourd’hui qu'à… 58 %, soit un petit point de mieux qu’en 2007 (57 %).
Mais l’idée originale de tout ça, on la doit à… Margaret Thatcher, Premier ministre britannique de 1979 à 1990 qui, pour sortir son pays du marasme avait affiché la volonté de faire du Royaume-Uni une “société de propriétaires“. Sauf que chez elle ça a marché, la proportion de propriétaires-occupants est passée de 55 à 67 % entre 1979 et 1989. Et ça a continué de grimper après elle. Dans son livre “Margaret Thatcher, a portrait of the Iron Lady“, John Blundell écrit : « Elle a permis à des millions de personnes de devenir indépendantes des administrations locales en leur donnant un droit d’achat de leur logement social ».
Elle n’a pas tout bien réussi, Maggie, surtout pas le gros du volet social de sa politique, mais ça au moins, ça a marché. C’est peut-être pour ça que l’UMP s’en inspire.
Au rythme où va le pompage des idées british, attendons-nous à ce qu'on nous annonce bientôt l’inversement du sens de la circulation. Chiche ! La semaine prochaine on commence par les camions et si ça marche, la suivante on l’applique aux voitures.