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Bons baisers d'ici, de là et d'ailleurs
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9 février 2012

Des balcons sur la mer

Ils sont indissociables des paysages du littoral charentais-maritime et indispensables à son identité. Et pourtant, les carrelets font aujourd’hui figure de chef d’œuvre en péril. Les tempêtes successives ont procédé à un sévère écrémage des moins solides que leurs propriétaires hésitent à reconstruire. Du coup, les touristes lorgnent sur ces balcons sur la mer, quitte à les détourner de leur vocation initiale.


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 Image carte-postale du littoral charentais-maritime avec ses indispensables carrelets (© J.-Ph. B.)


Les carrelets seraient-ils devenus le comble du chic ? Force est de reconnaître que les carrelets ne sont plus ce qu’ils étaient. A l’origine, ces cabanes posées sur des pontons branlants, équipées d’un grand filet carré, faisaient le bonheur des petites gens. Au sortir de la guerre, ils permettaient d’améliorer l’ordinaire quand la nourriture était rare et chère. Plus tard, les retraités y trouvaient le moyen d’occuper leur temps libre et, là aussi, de compléter leur ration.

Aujourd’hui, on négocie ferme pour acheter ces emplacements uniques, avec vue imprenable sur la mer. Les prix atteignent des sommets et le cadre légal est parfois… oublié. Car malgré leur aspect branlant et leurs jambes de guingois, les carrelets relèvent d’une législation bien cadrée avec laquelle il n’est plus possible de s’accommoder.

450 carrelets détruits par la tempête de 99

Ancrés sur le domaine public maritime, l’emplacement des carrelets relève de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer), l’ex DDE. Chaque propriétaire loue son emplacement (300 € par an, payable en début d’année), libre à lui, ensuite, de construire son carrelet à ses frais.

« Jusqu’à la tempête de 99, les subdivisions maritimes de la DDE n’étaient pas très intéressées par la gestion des carrelets. On faisait ce qu’on voulait et la commune n’était pas tenue d’être mise au courant des transactions. On signalait juste aux services de l’Etat qui avait l’emplacement. Le principal était que la redevance soit payée,» explique Jean-Louis Martin, président de l’association “Carrelets Charentais“ qui fait autorité dans le département. “Pas très intéressée“ dans le sens où la DDE n’était pas très regardante sur les transactions concernant les emplacements des carrelets. « Un jour, elle voyait arriver un type qui disait que c’était lui qui, désormais, reprenait l’emplacement de monsieur untel et elle faisait juste le transfert de nom. »

Il s’était alors établi une sorte de marché noir dans lequel tout le monde y trouvait son compte.

Ça, c’était avant la tempête de décembre 1999.

À cette époque, beaucoup de carrelets étaient en mauvais état, c’est pourquoi la tempête a fait une véritable razzia. Le soir du 28 décembre 1999, sur les 500 carrelets recensés par l’association, 450 étaient passés de l’état de construction à celui de Mikado. La quasi totalité !

La décision a alors été prise de reconstruire les 450 carrelets manquants, mais pas plus. Conseil général, Région et Etat (dans le care du plan Etat/Région) ont mis la main à la poche pour aider à la reconstruction de ce patrimoine départemental et, petit à petit, le littoral a retrouvé sa physionomie initiale.

« On est revenu à ce chiffre de 500, et c’est là que la surenchère a commencé » déclare Jean-Louis Martin.

Après la tempête de 1999, un marché s’ouvrait. Malgré les aides, beaucoup de propriétaires n’ont pas eu les moyens de reconstruire leur carrelet détruit (coût moyen 25 000 €), c’est alors que la valse du rachat des emplacements a commencé. « Des coups de fil ont mis la puce à l’oreille de la DDE, qui demandaient combien coûte un emplacement de carrelet. » C’est là que le marché parallèle s’est révélé. « Des habitudes étaient prises depuis de longues années et il y avait même surenchère. C’était à qui proposerait le plus. Des carrelets bien placés se vendaient à des prix incroyables. Sur l’île Madame,il y en a un qui s’est vendu 40 000 €. Et il n’était pas en excellent état. »

L’Etat fait du ménage administratif

Et par là-dessus est venue Xynthia, fin février 2010.

La razzia a été moins rude qu’en 1999. Une centaine, “seulement“, de carrelets ont été détruit. La différence, c’est que cette fois, ni l’Etat, ni la Région n’ont abondé pour leur reconstruction. Seul le Conseil général a débloqué des fonds, une contribution à hauteur de 10 % du coût de la reconstruction (avec un plafond de 1 500 €). Autant dire que ce n’était là qu’une larme dans l’océan.

Après Xynthia, Jean-Louis Martin a demandé à Dominique Bussereau que les carrelets soient inscrits au patrimoine charentais. Ce à quoi le président du Conseil général s’est déclaré favorable. « Ça permettrait d’avoir des aides systématiques en cas de nouvelle catastrophe », plaide Jean-Louis Martin.

La tempête aura au moins permis aux services de l’Etat d’opérer un grand ménage administratif. Finis les petits arrangements entre amis, la valse des emplacements à des prix extravagants. Depuis le 1er janvier 2011, une commission au sein de laquelle siègent la DDTM, France Domaines (qui perçoit la redevance) et l’association a maintenant l’œil sur toutes les transactions. Quand un propriétaire souhaite vendre son carrelet, il en informe la DDTM qui publie alors un avis d’emplacement disponible placardé en mairie. « Qui veut prendre un emplacement et acheter un carrelet doit se mettre sur une liste d’attente. On met l’acheteur en contact avec le vendeur. S’ils se mettent d’accord, tant mieux, sinon on fait la même chose avec le second sur la liste, et ainsi de suite », explique Jean-Louis Martin.

A ces principes de gestion, l’association a ajouté des prescriptions techniques relatives à la construction et à l’entretien des pontons, des mesures mises au point avec l’architecte des bâtiments de France et destinées à ne plus voir des équipements branlants, dangereux et susceptibles d’être détruits au moindre coup de vent ou de mer.

Le rustique, c’est chic

Ce cadrage administratif est-il trop strict au point de démotiver les propriétaires de carrelets ? Peut-être puisque pour les 100 pontons détruits par Xynthia, l’association n’a, pour l’heure, reçu que trois demandes de reconstruction. « J’ai peur qu’on ne retrouve pas les 100 carrelets détruits. Ou alors c’est des gens qui prendront les emplacements pour reconstruire des carrelets résidence secondaire. Je constate une mutation chez les propriétaires de carrelets. Le carrelet est devenu chic et ça m’emmerde un peu. Avant, c’était le plaisir du petit retraité ou des petites gens. Maintenant, vu le coût de la reconstruction et de l’entretien, avoir un carrelet est presque plus cher que faire du golf, » se lamente Jean-Louis Martin. Rappelons que la construction d’un carrelet va chercher dans les 20 000 à 30 000 euros.

Les 97 propriétaires qui n’ont pas fait de demande de reconstruction ont deux ans pour se décider. Magnanime, la DDTM leur a accordé une année de moratoire sans redevance, mais il faudra qu’en 2013 au plus tard le carrelet soit reconstruit. Sinon, ces propriétaires devront abandonner leur emplacement qui sera attribué à un autre.

Petit à petit, au fil des reprises, le carrelet s’éloigne donc de sa vocation première. On y vient pour le week-end, entre amis, on y fait la fête, on pavane dans ce rustique chic. Ce qui n’est pas sans poser problème. « Il y a quelques temps, on a eu des soucis sur les parcs à huîtres de l’île Madame qui ont été contaminés par des coliformes fécaux. Tout de suite, le président de la section conchylicole a désigné les carrelets. Ben oui, devinez où partent les excréments quand on passe le week-end sur un carrelet ? »

La preuve que le carrelet est devenu chic, l’artiste peintre Richard Texier a fait le forcing pour construire un carrelet sur l’île de Ré. « Il a fait des pieds et des mains auprès des politiques du département et de ses connaissances pour faire construire un carrelet sur l’île de Ré. Ce qui lui a été refusé malgré son influence et ses connaissances. Du coup, il en a fait un à Aytré, énorme, c’est sa résidence secondaire sur le coin. Là-bas, il a déposé un permis de construire qui a été accepté. »

Bien qu’il ait participé à l’élaboration des prescriptions techniques de construction des carrelets, Jean-Louis Martin se prend parfois à regretter l’époque où ils étaient fait de bric et de broc. « C’est dommage dans un sens parce que les carrelets d’avant qui étaient fait de matériaux de récupération, de tôle, qui étaient tout tordus, avaient un charme. Maintenant il y a une certaine standardisation. Mais ils sont plus solides. »

 

Contact. Association “Carrelets Charentais“. Siège social : Mairie. Square Guy Rivière. 17730 Port-des-Barques. Tél. : 05 46 84 85 39. Courriel : president@carrelets-charentais.com

 

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La tempête Xynthia a touché 200 carrelets et en a complètement détruit 100. (© J.-Ph. B.)

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  • Back to France. Belle expérience de vie en Angleterre où l'herbe est effectivement plus verte, mais pas pour les raisons que je pensais. La vie “normale“ reprend ses droits. Coups de cœur, coup de gueule, belles rencontres… les affaires reprennent.
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