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Bons baisers d'ici, de là et d'ailleurs
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24 novembre 2010

Souriez, vous êtes épié, filmé, flashé, scanné, etc.

Dans un précédent article, je promettais de revenir sur le sujet de la délation au Royaume-Unis. De peur de me faire dénoncer pour délit de fausse information, le voilà.

 

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« Le jeune homme, là-bas, il vient de glisser quelque chose dans son sac… ». Au magasin Spar du coin de ma rue, où je fais mes courses d’urgence, un vieil homme vient de s’adresser à la gérante à demi voix et avec un regard entendu. Gêne des clients qui attendent leur tour à la caisse.

Le jeune homme en question se présente à son tour pour payer les articles qu’il a en mains. « Pourriez-vous ouvrir votre sac, s’il vous plait ? », lui demande la gérante.

Le gamin a tout compris. Ce n’est probablement pas la première fois qu’on lui fait le coup. Il pose ses victuailles, ouvre son sac qui ne recèle aucun produit volé. Il fait alors un généreux bras d’honneur à l’assemblée et quitte le magasin. Furax.

Son délateur à la vue bien basse (à moins qu’il ne s’agisse-là que de délit de sale gueule ou de racisme ordinaire) a, quant à lui, disparu.

Ah oui, j’allais oublier de préciser que le jeune homme était, comme certains disent, “typé“. Pakistanais ou Indien, peut-être. Nous n’avons pas eu le temps de faire connaissance.

 

Souriez, vous êtes épié

 

Voilà une scène de la vie ordinaire de ce côté de la Manche qui nous conduit tout droit au sujet du jour : la délation, qui est elle-même un volet non négligeable de cette hyper sécurité que les britanniques ont porté au rang de quasi obsession. Ça tombe bien pour eux, les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont développé pour eux des outils sécuritaires performants par le nombre, surprenants par l’esprit.

Les rues britanniques sont parsemées de petits panneaux figurant un policier et une jolie petite famille, indiquant que l’on entre ou que l’on est déjà dans une zone “Neighbourhood Watch“. Un conseil : tenez-vous à carreau, ayez l’air décontracté, des yeux vous regardent, vous épient et des mains sont déjà sur le téléphone.

“Neighbourhood Watch“ est une association nationale qui compte environ 6 millions d’adhérents, soit 1/10e de la population britannique.

C’est aussi un principe de surveillance basé sur le volontariat destiné à améliorer la sécurité dans les quartiers, prévenir le crime et assister la police dans ses investigations. En gros, dès qu’ils sont à la maison, les riverains adhérents de “Neighbourhood Watch“, ont constamment un œil dehors pour mater ce qui va et vient. Un individu que l’on n’a jamais vu dans le coin, qui passe et repasse, qui rode autour des voitures et des maisons, est forcément suspect. Illico, ce bon voisin qui veille et surveille appelle la police pour signaler cette présence incongrue.

Mais la surveillance, et la délation qui va avec, vont beaucoup plus loin puisque ces bons citoyens vont jusqu’à dénoncer le promeneur qui ne ramasse pas la crotte de son chien, ou celui qui satisfait une envie trop pressante, les vignettes d’assurance non conformes ou absentes des pare-brises, les pneus trop usés et, d’une manière générale tout ce qui va à l’encontre des règles.

Ici, on ne rigole pas avec ça et les “Neighbourhood Watchers“ prennent leur rôle très au sérieux. Trop parfois. Il leur est souvent rappelé qu’ils n’ont, par exemple, pas le droit de patrouiller dans les rues ; juste regarder par la fenêtre. La tentation de l’organisation d’un quartier en milice est forte en certains endroits. Alors, pour ceux qui veulent en rajouter, la police est organisée de manière à pouvoir s’adjoindre les services de bénévoles (les Special Constables) qui reçoivent le même entrainement que les agents en uniforme.

 

Souriez, vous êtes filmé

 

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Mais en Grande Bretagne il n’y a pas que les citoyens qui vous épient dans vos déplacements. A chaque instant de la journée et de la nuit, et surtout, en tous lieux, le passant qui passe est filmé par une incroyable quantité de caméras.

Combien il y t-il de ces CCTV (close-circuit television) en Grande Bretagne ? Bonne question, personne ne sait exactement. Et ceux qui savent peinent à avouer un chiffre qui semble énorme. Entre 1 et 4 millions entend-on d’un côté. Ce qui laisse une marge confortable. Quelque chose entre 30 à 60 000 clamait encore récemment le directeur adjoint de la police britannique.

Plusieurs sources convergent cependant vers ce chiffre ahurissant d’une caméra pour 14 habitants. Sachant que le UK compte environ 61 millions d’âmes… faites le calcul vous même.

Le sujet des CCTV revient très régulièrement dans les débats du fait que dans la législation britannique aucun texte ne cadre clairement leur usage.

Leur intérêt et leur efficacité sont également sujets à caution dans la mesure où, malgré la surveillance permanente de la population, 80 % des crimes demeurent non résolus dans les grandes villes. On estime qu’un londonien apparaît environ 300 fois par jour sur les CCTV placées dans la rue, dans les administrations, les banques ou les magasins.

Si la loi n’est pas claire sur l’usage et le positionnement des CCTV, il est cependant acquit que tout citoyen peut avoir accès aux bandes sur lesquels il apparaît et les utiliser à son gré. En 2008, les musiciens du groupe rock “Get out clause“ ont mis bout à bout les bandes les montrant déambulant dans Manchester… pour en faire un clip à moindre coût.

La nouveauté, depuis quelques années, c’est que maintenant les CCTV parlent. Laissez tomber un papier par terre, oubliez une canette sur un banc public, aussitôt une voix venue de nulle part vous interpelle, vous indique la poubelle la plus proche et vous rappelle que ce genre de délit est passible d’une amende. Si, en général, on oublie facilement les caméras qui nous filment, dès lors qu’elles se mettent à parler la parano s’installe en même temps que le sentiment d’une hyper surveillance permanente. On n’est pas loin du 1984 de George Orwell. D’ailleurs, ce dernier n’habitait-il pas Londres, dans le quartier de Notting Hill ?

 

Souriez, vous êtes flashé

 

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Sortez des villes, la surveillance se poursuit sur les routes et les autoroutes, bordées de caméras et de radars de tous types. Sur chaque pont qui les enjambe, des batteries de caméras scannent les voitures, leurs plaques, leurs occupants, les vignettes sur les pare-brises.

Quant aux “boites jaunes“, les radars placés en hauteur, ils prennent par derrière les contrevenants aux limitations de vitesse et des systèmes techno calculent la vitesse moyenne des véhicules sur des portions d’autoroutes ou de voies rapides et scannent les plaques des conducteurs trop zélés. Les caméras qui flashent ceux qui grillent les feux rouges débarquent tout juste en France ? Ici elles sont en service depuis belle lurette. Et la police ne manque pas d’imagination pour placer des radars mobiles dans des camions et camionnettes banalisés stationnés sur le bas côté.

La Grande Bretagne arrive en tête du hit parade des pays occidentaux les plus surveillés. Une conséquence de l’obsession pour la sécurité, motivée, il est vrai, par un risque terroriste permanent. Avant la menace islamiste, n’oublions pas que l’Angleterre a, pendant de longues années, vécu dans la terreur des attentats meurtriers de l’IRA.

Quant à savoir pourquoi la délation leur pose si peu de problème, une ébauche de réponse est donnée par Jacques Monin* dans son livre “Le naufrage britannique“. Selon l’auteur, cet état d’esprit tiendrait à l’histoire. Les Anglais, qui ont certes connu les affres de la dernière guerre, n’ont cependant pas été envahis par les Allemands et n’ont été confrontés ni au régime de la collaboration, ni aux lettres de dénonciation. Les juifs n’ont pas été dénoncés, n’ont pas porté l’étoile jaune. La délation ne serait donc pas, pour les britanniques, une question douloureuse. Tout juste une action citoyenne qui aide la société à mieux marcher sur ses pattes. Une explication qui en vaut une autre.

En tout cas, une désagréable épée de Damoclès au-dessus de la tête de chacun, que les non-britanniques ont du mal à comprendre et à accepter.

Mon quartier n’est pas frappé de panonceaux ““Neighbourhood Watch“, pas de caméras scotchées aux lampadaires et je n’ai pas encore reçu la visite de la police pour expliquer ma situation.

Damned, vivrai-je dans la seule partie du pays qui n’est pas surveillée ?

* Jacques Monin, ancien correspondant à Londres de Radio-France, auteur du “Naufrage britannique“ co-édité par Radio-France et La table ronde. Un livre sans concession sur la situation catastrophique de la Grande Bretagne et les raisons de ce naufrage.



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Commentaires
Y
a Surgères c'est la sculpture (la main qui écrit) qui est sous contrôle depuis qq temps avec 2 cam,<br /> moi je me sens + rassuré ......
Bons baisers d'ici, de là et d'ailleurs
  • Back to France. Belle expérience de vie en Angleterre où l'herbe est effectivement plus verte, mais pas pour les raisons que je pensais. La vie “normale“ reprend ses droits. Coups de cœur, coup de gueule, belles rencontres… les affaires reprennent.
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